Interview d’Axel Touchard (post-doctorant, Albi) par Alain Lenoir (IRBI, Tours)


Interview d’Axel Touchard (post-doctorant, Albi) par Alain Lenoir (IRBI, Tours)

 

 

 

 

 

 

 

 

– quel a été ton parcours ?

 Après mon BAC scientifique, je suis parti faire mes études supérieures à l’université du Maine, au Mans pour y suivre une licence de biologie avec la spécialisation « biologie des organismes ». Je suis passionné par l’entomologie depuis tout petit et ces études m’ont conforté dans l’idée d’étudier les insectes. J’ai donc poursuivi mon cursus universitaire en faisant un master portant sur la biologie des insectes à l’université François Rabelais, à Tours. À ce moment-là j’ai beaucoup hésité entre un parcours professionnel et un parcours recherche. Mais au moment de choisir mon stage de master 2, un stage déterminant pour l’orientation définitive de mon parcours, j’ai opté par un stage de recherche dans une société de biotechnologie (VenomeTech) afin d’étudier la biochimie des toxines de fourmis. Ce stage de recherche a été pour moi une sorte de déclic et m’a permis de lever mes derniers doutes sur mon envie de poursuivre dans cette voie. Ce fut également l’élément fondateur de ma thématique de recherche actuelle, car ce stage s’est ensuite transformé en une thèse en Guyane. J’ai soutenu ma thèse en 2015 à Kourou et je suis désormais en post-doctorat à Albi, à l’université Champollion, afin de continuer à étudier la thématique des venins de fourmis.

 

– comment tu t’es intéressé aux fourmis ?

Avant toute chose, il faut que j’explique comment je me suis intéressé à l’entomologie. Quand j’avais 12 ans, un insecte m’a vraiment marqué et a probablement changé le cours de ma vie. Je m’en souviens comme si c’était hier. En allant pêcher, je suis tombé sur insecte magnifique, bleu métallique. Je l’ai ramassé et ramené à mon collège pour le montrer à mon professeur de biologie qui m’a indiqué qu’il s’agissait d’un coléoptère, un carabidé plus précisément. Ensuite, j’ai demandé à mes parents de m’acheter un livre sur les insectes et la tout a commencé. Je me suis mis à ramasser tous les insectes que je croisais et à les identifier grâce à ce livre. Ensuite, j’ai commencé à faire une collection de coléoptères, puis de papillons. Je ne m’intéressais pas vraiment aux fourmis à ce moment-là. Mon intérêt pour les fourmis est venu beaucoup plus tard, à l’université. C’était pendant ma dernière année de licence de biologie. J’ai décidé de suivre un stage volontaire pendant l’été avec un chercheur qui étudiait l’écologie du papillon myrmécophile, Maculinea alcon. Le but de ce stage était d’étudier la biologie de ce papillon particulier. Pour étudier ce papillon nous avions besoin de collecter et de mettre en élevage les fourmis hôtes, c’est à dire plusieurs espèces de fourmis du genre Myrmica. En réalité, pendant ce stage, nous avons surtout étudié le comportement des fourmis lorsqu’elles étaient au contact des chenilles. J’ai trouvé ce stage fascinant et c’était surtout l’organisation sociale des fourmis qui me semblait incroyable. Ensuite, pour en apprendre plus j’ai lu un livre de Luc Passera qui s’intitulait « la véritable histoire des fourmis ». C’est ce livre qui m’a définitivement fait basculer dans la myrmécologie.

 

– ta thèse ?

J’ai fait ma thèse en alternance entre le laboratoire d’écologie de Kourou en Guyane et la société VenomeTech en France. Ma thèse avait pour but d’explorer la diversité des toxines (peptides) des venins de fourmis avec une dimension de biodiversité. Ainsi dès mon arrivée en Guyane j’ai été complétement immergé dans la forêt pour collecter un grand nombre d’espèces de fourmis. Une mission incroyable de 10 jours en forêt amazonienne, à avancer dans la forêt la machette à la main, à farfouiller sous les troncs, dans les épiphytes, dans les palmiers, etc., pour trouver le plus d’espèces possibles de fourmis venimeuses et ensuite récupérer leur venin. Le ton était donné pour mes trois années de thèse. L’objectif de la société VenomeTech était d’explorer les venins d’animaux pour trouver de nouvelles molécules thérapeutiques. Ainsi, en Guyane, je participais aussi aux missions de collecte des autres animaux venimeux comme les scorpions, les mygales, les scolopendres, … J’avais un peu l’impression d’être une sorte d’explorateur et j’ai trouvé cela très cool. L’aspect biochimie de ma thèse ne pouvait pas être géré en Guyane et donc je partais tous les 6 mois environs en mission à VenomeTech pour analyser les venins. C’était un sujet qui à l’époque était complétement nouveau et vraiment peu d’études avaient été faites sur les peptides des venins de fourmis. Ma thèse a permis de montrer qu’il y avait un vrai potentiel de découverte. Par exemple, nous avons décrit une nouvelle famille de neurotoxine animale qui pourrait avoir un potentiel applicatif pour le développement de molécules à visées thérapeutiques ou insecticides.  Ce qui me fait plaisir, c’est que ce sujet semble maintenant intéresser de plus en plus de groupes de recherches et je me dis que ma thèse y est peut-être un peu pour quelque chose.

Axel en pleine dissection de Paraponera (piqûre très douloureuse !!)

 

– et tes centres d’intérêt actuels ?

A la fin de mon doctorat j’ai choisi de poursuivre la thématique des peptides venins de fourmis. Ça n’a pas été simple tous les jours, car la plupart des offres de post-docs publiées concernaient des sujets très éloignés qui ne m’intéressaient pas vraiment. J’ai choisi la stratégie de postuler à plusieurs bourses de recherche afin de continuer mon sujet, mais malheureusement sans succès. À ce moment-là j’ai beaucoup douté sur mon avenir. J’ai été au chômage plusieurs mois, mais j’ai persévéré et j’ai finalement trouvé un post-doc dans une équipe qui développe exactement cette thématique de recherche, en France. Je pense que j’ai eu un peu de chance en choisissant cette stratégie. Quoiqu’il en soit, je cherche désormais à développer cette thématique en y intégrant des aspects fonctionnels, écologiques et évolutives. J’utilise une approche intégrative pour caractériser l’ensemble des peptides puis j’essaie de relier cette diversité vénomique avec l’écologie et la phylogénie des espèces. À la fin de ce post-doc je vais retourner en Guyane pour un autre post-doc en collaboration avec un laboratoire australien pour étudier l’évolution et le potentiel applicatif des venins de fourmis amazoniennes.

 

Quelques publications
Touchard, A
., Dauvois, M., Arguel, M.-J., Petitclerc, F., Leblanc, M., Dejean, A., Orivel, J., Nicholson, G. M., and Escoubas, P (2014). Elucidation of the unexplored biodiversity of ant venom peptidomes via MALDI–TOF mass spectrometry and its application for chemotaxonomy. Journal of Proteomics 105, 217-231.
Touchard, A., Brust, A., Cardoso, F. C., Chin, Y. K., Herzig, V., Jin, A.-H., Dejean, A., Alewood, P. F., King, G. F., Orivel, J., Escoubas, P (2016). Isolation and characterization of a structurally unique β-hairpin venom peptide from the predatory ant Anochetus emarginatus. Biochimica et Biophysica Acta – General subjects 1860 (11), 2553-2562.
Touchard, A., Téné N., Chan Tchi Song, P., Lefranc, B., Leprince, J., Treilhou, M. and Bonnafé, E (2018). Deciphering the molecular diversity of an ant venom peptidome through a venomics approach. Journal of Proteome Research 17(10), 3503-3516.

 

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